LES JEUNES IHEDN EN VISITE AU CENTRE DE COOPÉRATION POLICIÈRE ET DOUANIÈRE DE GENÈVE

Chaque jour, nombre de Français en quête d’exotisme s’embarquent à l’aéroport international de Genève pour de longs vols vers de parfois improbables destinations de bout du monde, censées les combler de dépaysement, ignorant qu’ils pourraient – tout autant voire mieux – le trouver… en Suisse ! Un groupe de jeunes IHEDN (Lyon, Grenoble, Suisse), lui, ne s’y est pas laissé prendre, qui s’est bien rendu le 24 février sur l’emprise de l’aéroport de Genève, non en quête d’un terminal, mais du discret et sécurisé Centre de Coopération Police Douane (CCPD), où les attendait le très disponible et pédagogue lieutenant-colonel Claude Biller de la Gendarmerie nationale.

La Suisse : un système fédéral, le pouvoir politique à Berne, économique à Zürich, quatre langues et vingt-six cantons forts de leurs identités et d’une large souveraineté, autant de polices (et de fichiers…). Une autre culture, y compris pour les missions régaliennes, avec sa vigilance citoyenne spontanée qui volontiers coopère avec les forces de l’ordre, un rigoureux contrôle de l’habitant, des registres d’hôtels comme des transactions suspectes chez les bijoutiers et autres vendeurs/acquéreurs d’or. Un pays où l’on ne soustrait pas à un contrôle policier, et Via Secura, programme fédéral de sécurité routière impitoyable aux chauffards. Une prospérité qui agit comme un aimant sur toute la délinquance européenne, et au-delà… Mais dans la décomplexée Confédération helvétique, en matière d’atteinte à la loi, on appelle un chat un chat et on traite un délinquant en délinquant.

Pour ce qui est de la police, la coopération internationale vue de la France s’articule autour de quatre canaux :

  • la Section centrale de coopération opérationnelle de police (SCCOPOL), basée à Nanterre, au sein de laquelle sont représentées différentes entités comme Interpol (Lyon), Europol, l’agence européenne de police criminelle (La Haye), le traité de Prüm, accord européen d’échanges d’informations criminalistiques, signé par 22 pays, le tout dans le cadre des accords de Schengen, créant l’espace du même nom (25 pays) ;
  • les attachés de sécurité intérieure, présents dans 157 de nos ambassades ;
  • les Centres de coopération policière et douanière (CCPD), au nombre de 59 en Europe, de 10 en France, dont l’existence découle des accords de Schengen, qui associent les pays frontaliers terrestres voisins (Belgique, Luxembourg, Allemagne, Suisse, 2 CCPD avec l’Italie, 4 avec l’Espagne)

Les policiers et gendarmes de terrain ont ainsi à leur disposition ces trois canaux d’informations, mais n’en utilisent qu’un à la fois, en général le plus pertinent.

Créé en 2002, le CCPD de Genève associe gendarmerie, police nationale et douane françaises à leurs homologues des polices cantonales helvétiques, de la police fédérale, douane et gardes frontières suisses pour le traitement de la petite et moyenne délinquance. Disposant d’une main-courante informatisée, il fonctionne 365 jours par an, 24h/24h ; une salle de quart connecte les acteurs des deux pays dans leur globalité – au sein des 6 départements français et des 8 cantons suisses frontaliers, une coopération directe est également prévue par le texte fondateur, l’accord bilatéral signé à Paris le 9 octobre 2007. Il permet  : échanges d’informations, prêt de matériels, patrouilles mixtes, voire observations – ordinaires ou urgentes – et poursuites transfrontalières (flagrant délit, évasion, soustraction à un contrôle associé à un délit grave) : deux domaines sensibles…

La Suisse, qui a signé le traité de Prüm mais ne le met pas encore en application, n’a que partiellement adhéré en 2008 aux accords de Schengen (libre circulation des personnes uniquement). Mais la France a des accords de coopération policière avec ce pays regardant de nombreux domaines d’assistance (ordre et sécurité publics, trafics, délinquance transfrontalière, immigration illégale), à l’exclusion des domaines fiscal, militaire ou relatif à la protection de l’Etat..

Le Centre de coopération police douane de Genève est dirigé par un coordinateur, comprend 12 policiers, 6 gendarmes, 4 douaniers, autant de fonctionnaires helvétiques et des officiers de liaison étrangers (Roumanie, Italie, Espagne). Il est le plus sollicité des CCPD, dont les missions se judiciarisent. En 2022, il a traité plus de 25.000 demandes, dont les trois-quarts provenant de Suisse, essentiellement des 7 cantons francophones – la délinquance va de la France vers la Suisse – ; cette même année 34.000 personnes et 16.000 véhicules ont fait l’objet de contrôles. Mais, morcelage cantonal oblige, l’accès à certaines bases de données suisses nécessite la sollicitation d’autant de polices cantonales, et le pays de Guillaume Tell ne dispose pas du fichier PNR (Passenger Name Record) sur les données personnelles des voyageurs aériens…

Une coopération qui, comme chacun sait, n’en puise pas moins ses racines dans l’histoire, lorsque Garovirus, gouverneur en Gaule romaine, fit appel à son alter ego de Genava, Caius Diplodocus, pour barrer la route à un Astérix venu en Helvétie avec Obélix en quête du salvateur edelweiss : ils seront sauvés par un aubergiste helvète, Petitsuix et le banquier Zurix…

Rédacteur: Alain Labat